Non à une intervention militaire en Côte d’Ivoire
L’association panafricaine KEMIT,
Convaincue qu’aucune raison n’est suffisamment légitime pour justifier une guerre menée par des africains contre d’autres africains, condamne avec la dernière énergie la décision non souveraine des États de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) d’envisager une expédition militaire contre Laurent Gbagbo.
Nous nous étonnons de cette soit disant volonté de rétablir la « démocratie » pendant que nos frères Haïtiens, Somaliens, Soudanais, Congolais souffrent et meurent en silence sans que les dirigeants africains ne s’en préoccupent sérieusement.
Nous ne comprenons pas non plus qu’on veuille faire jouer au Nigeria le rôle de gendarme de l’Afrique de l’Ouest alors qu’il fait face à des tensions politiques et sociales dont la gravité rend incompréhensible l’éventualité de la présence de son armée en Côte d’Ivoire. Il est aussi surprenant de voir des États comme la Guinée Bissau, la Sierra Leone, le Liberia, soutenir une expédition militaire au moment où leur stabilité n’est pas garantie d’autant plus que leurs armées demeurent extrêmement mal structurées et faibles. Quant à la Guinée, le Mali, le Burkina-Faso, le Sénégal, ils ne devraient pas compromettre leur équilibre géopolitique sous prétexte de poursuivre des objectifs démocratiques alors que nous connaissons parfaitement la réalité de leurs régimes. Il est inacceptable que les dirigeants de ces États ne tiennent pas compte de leurs propres ressortissants installés en Côte d’Ivoire. Les pays occidentaux qui les incitent à l’action ont tranquillement demandé à leurs ressortissants de quitter la Côte d’Ivoire. Par ailleurs, en cas de nécessité, ils n’hésiteront pas comme d’habitude à les évacuer d’urgence pendant que les Africains continueront à s’entretuer.
Aussi, les chefs d’États de la CEDEAO endosseront l’entière responsabilité des conséquences de leur décision inopportune et contraire aux intérêts fondamentaux de nos peuples épris de paix et de justice.
Nous demandons la mobilisation de tous nos frères et de toutes nos sœurs où qu’ils se trouvent afin de barrer la route au projet impérialiste qui se dessine en République de Côte d’Ivoire. Manifestons devant toutes les représentations françaises et américaines en particulier et disons non à ce projet d’un autre temps. Cette entreprise soutenue par les médias occidentaux et leurs suppôts africains ne doit pas prospérer au risque de constituer un précédent dangereux. Les problèmes politiques africains doivent être résolus pacifiquement par les africains et pour les africains.
Nous ne saurions accepter que sous le prétexte de lutter contre un homme, certains États occidentaux, la France et les États-Unis en particulier instrumentalisent la CEDEAO.
Nous dénonçons la violation flagrante des institutions de la République de Côte d’Ivoire. Nous contestons par ailleurs la neutralité de l’ONU et de son Haut représentant en Côte d’Ivoire. Nous ne sommes pas sûrs de la victoire de Alassane Ouattara. Tout comme le Conseil Constitutionnel, la Commission Électorale Indépendante (CEI) est loin d’avoir été neutre. Pourquoi serait-elle plus juste que le Conseil Constitutionnel alors qu’elle est majoritairement composée de membres du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix favorable au candidat Ouattara ?
La naïveté consistant à admettre la victoire de celui-ci au motif que l’ONU a certifié les résultats proclamés hors délai par la CEI confirme une fois de plus l’immensité du travail qui nous reste à faire pour faire émerger des consciences africaines non inféodées.
A ce titre, nous rappelons à tous les Africains le rôle ambiguë de l’ONU dans les conflits contemporains africains : en Somalie, au Rwanda, au Soudan, au Congo. Dans ce dernier pays par exemple, c’est sous les yeux des troupes de maintien de la paix que certaines milices pillent, violent sans qu’aucune action soit menée pour poursuivre tous ceux qui sont ainsi coupables de non assistance à personne en danger. Certains peacekeepers sont même impliqués dans des trafics de matières premières. N’oublions pas non plus les viols sur mineures dont ont été coupables certains membres des troupes de l’ONU en Côte d’Ivoire.
Dans la même perspective, la pagaille suite à ’élection présidentielle haïtienne du 28 novembre 2010 montre de manière flagrante jusqu’où la « communauté internationale » (qui n’est rien d’autre que le bloc occidental et son instrument qui est l’ONU) est prête à aller pour nous imposer nos élites.
Nous sommes conscients que l’ONU est la plus grande organisation antidémocratique du monde d’après 1945. Ses prises de positions sont le plus souvent en conformité avec les aspirations politiques des vainqueurs des guerres européennes du siècle passé. En Afrique sous dépendance française, il est clair que l’ONU est instrumentalisée par la France qui comme d’habitude a choisi son camp.
Hors, en ce qui nous concerne, le camp de la France ne saurait être le notre puisque c’est celui des colonialistes, des impérialistes et des ennemis de la liberté de nos peuples. C’est le camp de ceux qui veulent d’une Afrique subalterne à la périphérie du monde, d’une Afrique de mendiants qui parlent sans cesse d’aide et de partenaires au développement, d’une Afrique du capital étranger, d’une Afrique incapable de se défendre elle-même.
Au moment où l’écho de nos voix résonne de plus en plus fort pour la réalisation de l’unité de nos peuples et leur renaissance, nous disons non à l’hypothèse d’une guerre occidentale en Côte d’Ivoire par africains interposés.