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Abdoulaye Wade, serait-il le suppot du colonialisme en Afrique ?

29 mai 2008 Un commentaire

Par Mari-Wsar – Février 2005

L’attitude des intellectuels panafricains envers les chefs d’Etats africains a souvent tendance à se réduire à l’incrimination de ces derniers. A tort ou à raison selon la manière dont on appréhende le problème ou selon les sentiments ou les affinités que l’on peut avoir vis-à-vis de ces hommes d’Etat.

En définissant l’intellectuel panafricain comme celui qui a le plus d’objectivité dans la compréhension et la restitution des faits, je ne saurais me soustraire au devoir d’observer puis d’interpréter les artefacts du paysage politique continental et pourfendre de ce fait ce qui est pourfendable. Ceux qui prennent les Africains pour des enfants savent bien ce qu’ils veulent dire ; et pour les comprendre, pas besoin de paraphrase.

Le Directeur actuel du CFCO (Chemin de Fer Congo Océan) est un Français. Il appelle tous les Congolais « ses enfants », ce qui est d’autant plus vrai que partout où il passe, les Congolais l’acclament avec des « papa a yi nzala e sili »(*) alors qu’il est assis sur leurs têtes. L’enfant, c’est celui dont l’innocence est primaire, incapable de savoir ou de soupçonner ce qui se trame autour de lui. Il ne sait pas lire sur le visage des gens, ne comprend pas réellement le sens des choses et lorsqu’on le frappe, il revient toujours pleurer aux bras de son bourreau. Ainsi se comportent les Africains. Ils n’ont aucune conscience du danger.

En effet, après des siècles d’esclavage et de colonisation et malgré tout ce que les Européens continuent à nous faire subir, nous continuons à croire qu’ils nous aiment d’un amour véritable, et qu’ils sont pleins de bonne volonté pour nous sortir de la misère et élever nos pays au niveau de leur compétitivité. Nous ne savons même pas tirer les leçons du passé, d’AKHENATON à nos jours. Et faute de suivre la doctrine du divin père AY, les tragédies de l’histoire se répètent tous les jours en Afrique. Les hommes politiques ne sachant pas jouer le rôle de Père de Famille, de Père de la Nation qui est le leur dans nos pays. Chacun sait qu’un vrai père de famille ne peut pas porter préjudice à sa famille ; que la seule chose qui compte pour lui c’est de bien s’occuper de ses enfants et de leur assurer un avenir meilleur. En plus de quarante ans d’indépendance, l’Afrique a connu toutes sortes de dirigeants : communistes ou faux communistes, démocrates ou faux démocrates, révolutionnaires et faux révolutionnaires. Tous ont presque le même visage de fossoyeurs de l’Afrique, baignant dans les eaux troubles et infectes du népotisme, de l’arbitraire, de la mauvaise foi et de la confiscation du bien publique. Les rares qui contrastent avec cette « race d’hommes mauvais » sont les seuls qui méritent l’appellation de « patriotes ». On les distinguerait par leur quête de justice et par le fait qu’il ne peut pas leur venir à l’idée d’organiser la ponction financière des avoirs de l’Etat pour renflouer des comptes bancaires en dehors du Continent ou satisfaire les caprices si coûteuses de leur clientélisme.

Si l’avènement au pouvoir des meneurs d’hommes dont on connaît d’avance le discours progressiste rallume un espoir qui ne tarde pas souvent à se muer en désillusion, c’est principalement à cause de l’ordre économique mondial (cause 1) et de leur ignorance ou leur manque de maîtrise des procédés économiques et juridiques susceptibles de mettre un pays sur les rails du développement (cause 2). La gestion saine de la chose politique ou les secrets de la réussite économique ont toujours paru chez les Africains comme relevant de la magie des Blancs. Et c’est là que nous sommes « saisis aux couilles » par nos bourreaux qui trouvent inutile de modifier leur façon de nous considérer car rien ne le leur oblige. Aux indépendances, ils n’ont pas peiné de nous obliger à leur confier la gestion de nos économies puisque « nous n’aurions pas su les gérer nous-mêmes ». C’est à ce titre il me semble que Léopold Sédart SENGHOR confiait à un journaliste de Jeune Afrique en janvier 1977 que « nous sommes colonisés mais nous mentons au peuple que nous sommes libres ».

Après plus de quatre décennies d’indépendance, le doute persiste, même chez les Panafricains, de savoir si nous sommes capables de mener à bien nos Etats sans nous faire épauler par les « experts » boréo-occidentaux. Notre foi en leurs capitaux est une porte d’entrée pour mieux asseoir leur domination. Alors que les lois de la « jungle » se déshumanisent de plus en plus, notre attitude de quémandeur les fait convaincre que nous ne réussirons jamais à nous unir et que nous ne serons jamais capables de gérer nos pays voire même nos équipes de football sans leur concours. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne leur est pas difficile de trouver des traîtres, des hommes et des femmes corruptibles parmi nous pour faire échouer toutes nos entreprises constructives. Parmi les ferments de cette traîtrise on peut citer la religion et le complexe qui naît inconsciemment en nous en recevant une éducation scolaire où le Noir est moins un sujet qu’un objet comparativement au Blanc.

En fait c’est toute notre éducation qui est à remettre en cause. L’actuel système éducatif africain ne met pas l’Afrique en son centre. Il contribue plutôt largement à faire de la plupart d’entre nous, des moutons dont les têtes sont beaucoup plus tournées vers l’Europe ou l’Asie que vers l’Afrique. Un pays qui forme ses élites à l’extérieur est un pays qui ne peut pas efficacement combattre l’impérialisme. Au premier siècle de la Renaissance Européenne, le problème de l’aliénation culturelle a été résolu en oubliant la mémoire des précurseurs arabes comme IBN SINA (allias AVICENNE) et celle des divinités noires qui étaient adorées jusqu’au moyen âge. Les Européens sont allés directement puiser à la source grecque alors qu’ils n’ont eu connaissance de cette source que par les Arabes. La Renaissance Africaine devra elle aussi s’occuper de réduire progressivement l’influence des cultures non africaines jusqu’à les faire disparaître. Ceux qui pensent le contraire doivent savoir que même si ces cultures importées sont devenues les nôtres, il n’est pas moins vrai que c’est dans la douleur qu’elles nous sont parvenues. Par le forcing et au prix du sang de beaucoup de nos ancêtres auxquels il n’avait pas été facile d’abandonner leurs coutumes originelles. Nous subissons le dictat extérieur d’autant plus que nous sommes les seuls sur la planète à faire prévaloir la cause religieuse de la cause raciale. Attitude qui trahit notre statut d’esclave dans ce monde, car il n’y a pas plus grande ferveur que celle d’un esclave à défendre les intérêts de son maître. Nous refusons de voir le mal qui est fait contre nous et sommes prêts à nous désolidariser de notre peuple pour les intérêts d’autrui. L’on ne me contredira pas en disant que l’attachement à toute idéologie qui ne relève pas la valeur de l’Afrique est un handicap pour l’union africaine. Pour ma part si la question sensible de la religion n’est pas secondaire, elle n’est pas moins importante pour mériter d’être traitée avec intérêt au lieu de toujours l’éviter. Il en va de la fragilité ou de la solidité de la société que nous voulons construire.

En deçà de l’imperméabilité anticoloniale manifestée par le pouvoir ivoirien à l’égard de la France, on peut dire que ce n’est pas à tort que la crise ivoirienne a été présentée sous l’angle d’un antagonisme entre les Chrétiens et les Musulmans. L’évidence qui lie toute religion à une idéologie est indéniable et il n’existe pas d’idéologie qui n’engendre guère d’intégrisme dans les consciences. Si la foi est essentielle pour notre humanité, il doit nous être capital de savoir à quel dieu ou à quel saint nous vouer. Depuis trop longtemps, nous gaspillons beaucoup trop d’énergie à implorer et à honorer les saints des peuples qui nous oppriment et ainsi à élever ces peuples plus haut que nous-mêmes. L’étendue de notre faiblesse et de notre vulnérabilité viennent aussi de là. Cela n’est pas moins préjudiciable que des millions de Noirs à travers le monde meurent de sympathie pour les peuples dont ils pratiquent la religion. Pour eux, les races n’existent pas, Dieu est amour et tant pis s’il y a des individus égarés qui font du mal à leur peuple. Ceux-là ne peuvent pas avoir la conscience du danger vis-à-vis des peuples dont ils chantent l’histoire à travers la religion. Leur conscience se trouve emprisonnée dans un enclos où elle ne peut pas rationnellement se rendre compte que les religions ou tout au moins le Judaïsme, l’Islam et le Christianisme ne sont que l’expression de la déification ou de la valorisation des légendes, de l’histoire, et des traditions des Juifs, des Arabes et de ceux qui se sont appropriés l’enseignement de Jésus. Bien entendu il n’aurait pas été logique que l’Islam ou le Judaïsme soient véhiculés selon le canon des coutumes bantoues ou gauloises. Contrairement à l’image d’universalité sous laquelle on nous les présente, les religions sont autant idéologiques que ethnocentristes. Sinon comment comprendre le fait que Dieu qui a créé Noir, à son image, le premier homme (Homo Sapiens Sapiens) n’ait choisi de cheminer avec le Peuple Noir que de façon marginale (cf. la Bible et le Coran). L’on ne me dira pas que le Peuple Noir a commis des infamies monumentales vis-à-vis de Dieu pour mériter cette relégation à l’arrière plan de tous les peuples. Quoi de plus normal que les religions sémitiques nous présentent Abraham, Moïse et Mohammed comme des sémites juifs ou musulmans ! Les tares créées par les religions non africaines faussent en nous notre compréhension du sens du combat que nous avons à mener pour délivrer l’Afrique de tout impérialisme. On ne saurait parler dans certains pays de l’abstraction de la compétence au profit de la préférence religieuse lorsque celle-ci n’est pas ethnique ou régionale. Pour beaucoup d’Africains, Alassane OUATARA a été écarté de la course au pouvoir, moins à cause de sa nationalité qu’à cause de son islamité. Ce qui d’emblée a érigé Laurent GBAGBO en anti-musulman. Et à partir de là sont nés de la sympathie pour l’un et du dédain pour l’autre selon que l’on soit chrétien ou musulman. Si Abdoulaye WADE remplit les conditions qui peuvent faire de lui un patriote sénégalais, il ne demeure pas moins un fossoyeur de l’Afrique pour ses prises de position en faveur des intérêts boréo-occidentaux. Sans rappeler qu’il s’est élevé contre la réparation matérielle de l’esclavage, grande est l’indignation qu’il suscite sur ses déclarations au sujet de la crise ivoirienne. Dernière en date, le 03/02/05 lors de la visite de Jacques CHIRAC au Sénégal. Son « bec » a laissé entendre que « si l’armée française n’était pas intervenue en Côte d’Ivoire, il y aurait eu des massacres comparables à ceux du Cambodge de Pol Pot. » Massacres qu’auraient certainement perpétrés les rebelles, a t-il oublié d’ajouter, avec la logistique française comme au Rwanda en 1994.

La journaliste Memona HINTERMANN n’a pas caché sa satisfaction pour ce soutien inconditionnel à la France. Elle a commenté dans son reportage que venant d’une ex-colonie française dont l’influence sur le continent n’est pas négligeable, on ne pourra plus accuser la France d’impérialisme en Afrique. Ce soutien qu’on peut expliquer par la cause 2 est un jeu de petit séducteur pour attirer les investissements français et boréo-occidentaux dans son pays. Avec ce flirt, il ne manquera certainement pas de faire quelques heureux au Sénégal mais l’histoire demain ne manquera pas non plus de lui donner tort. Ce qu’il fait, Houphouët l’a fait, et l’histoire africaine retient que Houphouët était un suppôt du néocolonialisme ; lui qui a même collaboré avec le régime d’apartheid de Peter Botha aux côtés de la France. Abdoulaye WADE est celui que les rebelles ivoiriens ont appelé papa aux premiers jours de la crise. On peut douter que ce privilège lui ait été accordé de façon spontanée. Il a dû être tenu au courant du coup d’état manqué le 18 septembre 2002 bien avant cette date, et il n’a jamais caché sa sympathie aux rebelles.

S’il veut faire preuve de bonne volonté, il conviendrait qu’il nous dise au moins comment les rebelles se sont procurés tant d’armes et quels sont leurs soutiens ? Pour WADE il semble clair que Laurent GBAGBO est le principal responsable de la crise à cause de « ses innombrables discriminations envers les Musulmans ». Avant d’incriminer son homologue ivoirien – charité bien ordonnée – il aurait plutôt mieux fait de commencer par satisfaire les requêtes des rebelles Casamançais dans son pays et ainsi faire preuve de cohérence envers lui-même. Sa prétention à avoir solution à tout problème l’a conduit à désavouer l’efficacité de la diplomatie sud-africaine dans la gestion de la crise. Il est tellement fier de son ego, de sa réputation de super diplômé qu’il ne peut concevoir qu’un problème soit résolu en Afrique sans qu’il n’y prenne part. Son incapacité à résoudre les problèmes vitaux du Sénégal l’accule à toutes complaisances, oubliant parfois les idéaux d’autodétermination auxquels il avait versé pendant des années. Si cela peut s’expliquer par la cause 1, son intelligence devait quand même lui venir en aide pour lui suggérer que la France se sert de lui pour venir à bout de ceux qui luttent contre ses pratiques impérialistes en Afrique et aussi pour améliorer son image sur le plan international au sujet de l’Afrique.

A t-il jamais compris quelque chose en politique du point de vue de la géopolitique ? Son libéralisme et sa politique de main tendue vers l’extérieur sont nul et non avenu et il a la chance de ne pas vivre encore longtemps pour récolter la misère qu’auront semé les capitaux extérieurs dans son pays. Les gens de son acabit sont indignes de notre Afrique-Pays. S’il ne fait pas attention, Wsar, Aset et Wra ne le recevront pas au panthéon des nobles fils d’Afrique.

VIVE L’AFRIQUE UNIE !

Post-Scriptum :
« L’Africain c’est celui qui défend l’Afrique« , Jean-Philippe OMOTUNDE
« Une identité humiliée est une identité radicalisée« , Nicolas SARKOZY (06/02/2005)
(*) Expression lingala voulant dire : voici venu papa, nous n’avons plus faim.

Un commentaire »

  • ode a dit:

    cet article fait relechir! vive l’Afrique^^