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« Complément d’Enquête » : France 2 d’Accor, émission du 17 février 2003

20 décembre 2009 Pas de commentaires

« Hier soir sur France 2, l’émission Complément d’enquête s’attaquait à la grande question caribéenne posée il y a peu, nous rappelait gentiment le bon Benoît Duquesne, par le groupe Accor. On allait donc parler tourisme, accueil, et tout ce qui ne va pas chez nos cousins antillais. Il aura donc bien sûr été fait mention d’Accor, pour mieux rebondir sur l’Union Générale des Travailleurs Guadeloupéens, qui avec leur incroyable manie de tout bloquer incarnent l’ensemble du problème. »

N O S   R E M A R Q U E S :

-         Miss France trait d’union réussi entre l’Hexagone et les Antilles voilà un choix indiscutable pour parler en douceur des choses qui fâchent. C’est un premier constat.

-         L’émission a t-elle pour autant réussi à apaiser les esprits? a t-elle plus exactement rendu compte des réels problèmes des Antilles ?

-         L’émission laisse d’emblée entendre que Accord a le mérite d’avoir posé une question que personne n’osait dénoncer, bien que largement partagée. Qui partage cette question : Accord, multinationales et autres Médef du coin… ?

-         On voit bien que les entrepreneurs noirs sont rares dans les deux îles. Le représentant du Médef en Guadeloupe, est présenté comme l’un des rares gros entrepreneurs noirs de l’ïle. De surcroît ancien indépendantiste. Voilà qui revient de loin : un rescapé de l’utopie politique, reconverti à la raison. Il parle bien et avance des vérités, toutes libérales,  qui sentent bon le Médef. C’est un guadeloupéen critique, mais ce n’est quand même pas avec ce seul discours qu’on va tout régler.  Il va bénéficier d’un temps d’antenne assez long pour parler de l’histoire, du social et de l’économie. Il a eu un temps de parole suffisamment long pour étayer son point de vue sur toutes ces questions. C’est bien son droit de descendant d’esclave noir de trouver que ses compatriotes abusent de cet argument systématique pour ne pas assumer leurs responsabilités dans les négociations qui s’imposent ? Mais de quelles négociations s’agit-il ?

-         Parlant de négociations nous n’avons pas entendu les arguments des indépendantistes.

-         Nous n’avons pas vraiment entendu les arguments des syndicats. Nous avons eu un flash d’une manifestation pacifique dont une des délégués disait a peu près ceci «regardez comment ils nous traitent. Nous n’avons rien bloqué, rien cassé. Nous ne faisons que revendiquer nos droits et regardez comment  ils nous traitent ? … » Peuvent être ces représentants syndicaux ont-ils des arguments aussi solides que notre homologue du Mèdef. Nous ne le saurons jamais puisque leur temps de parole était limité à celui d’un flash.

-         S’il y a un taux d’entrepreneurs noirs très faible, ils sont par contre beaucoup mieux représentés quand on parle de RMI. On peut vraiment parler d’un Etat solidaire lorsqu’une infime partie de sa population invalide et en difficulté bénéficie d’aide ou de minima sociaux. Mais lorsque 25 à 30% d’une population dépend de RMI n’est-on pas en droit de penser que le problème n’est plus celui des hommes mais celui de la politique ? Et c’est plus d’un siècle de politique qu’il faut interroger.

Peu d’entrepreneurs noirs, beaucoup d’aides sociales, et une jeunesse de plus en plus sous l’emprise de la drogue. Nous voilà dans une problématique typiquement nègre et universel. Mais faut-il le lier à la génétique ou à l’histoire ? Ou peut être au fameux refus de négocier ?

Et que font les responsables politiques locaux. Ils distribuent à tout va de l’argent public au électeurs potentiels (aide européenne et autres). Voilà qui est scandaleux ! Et que dire des compétences et l’intégrité morale de ces élus locaux, dont on peut penser contrairement aux responsables d’Accord, qu’ils sont majoritairement noirs ? Le profil de Michaux Chevry ne devait pas faire exception à ce lourd héritage.

Bilan des courses, les Antilles, tous fonds additionnés, reçoivent plus d’argent de l’Hexagone qu’ils ne lui en donnent.

La lecture des événements et les clés de compréhension insuffisants nous donnent toujours à culpabiliser. Comment les habitants noirs de ce pays ne devraient-elles pas être prises d’un certain malaise ?  On finit par croire que nous ne sommes pas matures  et nous gaspillons ce qui nous est gracieusement offert. Sommes-nous tous frappés d’incapacité à la bonne gestion ? Sommes-nous tous victimistes et ingrats ? De quoi nous plaignons nous ? Surtout vu comment nos responsables  gèrent l’argent et à quoi il nous sert. Voilà qui par ailleurs doit gonfler d’orgueils, et peut être de colère, nos détracteurs.

C’est ainsi que notre conscience d’humain est troublée, confondue par un sentiment d’ingratitude et d’indicible propagande. On ressent l’embarras entre une injustice que le reportage ne nomme pas mais que l’on sent, et par ailleurs la faute mêlée dont on tente de nous faire porter le sentiment. La vérité est mal présentée, maquillée. Toujours montrée partiellement. Les arguments sont franchement déséquilibrés entre la thèse «indépendantistes» et la thèse «colonialiste », mais toujours sous couvert d’objectivité. Pourtant jamais ces deux thèses extrêmes ne font l’objet de débat, mais ce n’est pas pour ça que le sujet est neutre.

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