La fin des Idées reçues …
Dans notre rapport au monde physique et mental, les représentations sociales jouent un rôle fondamental. C’est ainsi que pour comprendre l’image donnée au Noir par la société occidentale une brève définition du concept de représentations sociales s’avère nécessaire.
Pour Serge Moscovici « les représentations sociales nous permettent d’assimiler l’information en provenance de notre environnement et de communiquer avec autrui ». Elles évoluent en fonction des préoccupations d’un groupe donné.
C’est ainsi que l’image donnée aux Africains en France a toujours été élaborée, préparée, imposée en somme programmée sans que les concernés ne se reconnaissent eux-mêmes dans cette dernière. Le paradoxe ici, est que le programmeur a visé et vissé tous les moyens de démenti à telle enseigne que les concernés se résolvent dans un silence que certains traduisent en l’adage selon lequel : «qui ne dit mot, consent». Pis encore, frappés par le double complexe de réflexion et d’abandon, certains Africains finissent par cautionner cela.
L’image caricaturale de l’Africain est empreinte d’évolutionnisme, voire de «lamarckisme[1]». Ainsi, du Nègre sauvage, asservi, soumis dans les colonies ou dans les plantations esclavagistes, on est passé aux Indigènes dociles, gentils, naturellement inoffensifs pouvant apporter leur concours sans que celui-ci ne soit sollicité du genre «Sergent Malamine».
De nos jours, cette caricature lamarckiste a façonné celui qu’on nomme : «Immigré», c’est à dire l’ancien indigène ou l’évolué d’hier, qui quitte volontairement son pays d’origine sous le prétexte (fallacieux !!!) d’études, de santé, de tourisme… en France. Alors qu’il est de notoriété publique que la finalité de ces déplacements est la recherche de l’eldorado en Europe, et en France en particulier (à juste titre d’ailleurs). Enfin, confusément dans son entreprise réductrice et destructrice, notre programmeur a donné encore une nouvelle définition de l’Africain. Ce dernier est devenu envahisseur, sans-papier donc condamné au travail qualifié au noir ou alors quand il est en situation régulière, c’est l’homme des «petits boulots» selon l’expression consacrée.
Comme dans toute politique réductrice privilégiant l’idéologie à la réalité, il est coutume de dissimuler tous les aspects positifs de l’histoire des Africains. A l’évocation des grands Hommes qui ont lutté au prix de leur vie pour la cause noire depuis la traite négrière (aux Caraïbes ou en Afrique), pendant les Indépendances, en passant par le combat hautement intellectuel des militants comme Cheikh Anta Diop, F. Fanon, John E. Clark… aux cadres et ingénieurs africains éparpillés dans les entreprises et unités de recherche françaises aujourd’hui dont on ne parle jamais, on est vite taxé d’élément subversif.
C’est pour rompre d’avec ces idées reçues que nous saluons la naissance du mensuel «Dynamick Sud» dont la mission est de jeter un regard sur cette partie de l’AFrance[2] cf. Film de Alain Gomis) noire afin de donner à voir ses entrepreneurs, artistes, cadres, chercheurs, responsables associatifs noirs que les discours bien-pensants et les mémoires programmées refusent de voir.
Dans son premier numéro de décembre 2001, on aurait cru un rêve, Dynamik Sud nous a révélé pêle-mêle des «Immigrés», non plus travailleurs au noir ou spécialistes de petits boulots, mais des Entrepreneurs comme Melle Diaka N’diaye, 32 ans fondatrice d’une maison de production audiovisuelle «Audace Productions» à Paris ; M. Couassi Ble, 36 ans gérant d’un magasin d’optique «Ivoirien de l’Optique» à Bassé, à Lille ou encore Melle Léontine Gomis, 34 ans dirigeante d’une entreprise de logistique internationale spécialisée dans le transit maritime et aérien ainsi que de l’Import-Export à Paris.
Dans le même numéro, un article consacré aux cadres Africains en France, a révélé une baisse du nombre d’ouvriers Africains en France (48% en 2001 contre 56% dix ans plus tôt). Et les actifs étrangers ressortissants d’Afrique noire se partagent à égalité (40% en ouvriers et 40% en employés).
Il est clair que le chemin à parcourir est long. Gardant présent à l’esprit que le chemin de la vérité est parsemé d’embûches, d’écueils et d’énigmes. Par ailleurs, nous n’avons pas non plus le choix. Cela ressemble au dilemme suivant : périr ou survivre ! Ainsi, l’un des remèdes efficaces que chacun de nous doit employer, c’est le conseil que Cheikh Anta Diop nous a légué : «Armez-vous du maximum de connaissances et allez vers la connaissance directe, vous découvrirez l’immensité de la supercherie à laquelle vous êtes victimes». Comme un peu ces braves entrepreneurs qui ont résolu de régler leur problème d’emploi en se mettant à leur propre compte.
Tout ce combat coïncide avec la profession de foi de cette Afrique du 3ème millénaire où le hasard, l’injustice et le mépris n’ont plus de place.
A tous ceux qu’on ne voit pas ou qu’on refuse de voir simplement, nous vous vous adressons nos encouragements et vous exhortons à plus d’audace et de vigilance que jamais afin de relever ces défis.
KEMIT – Commission Politique et Information
1 Théorie qui explique l’évolution des êtres vivants par leur adaptation volontaire au milieu et par l’hérédité des caractères acquis.
2 Son titre est double, il s’agit tour à tour de l’Afrance (en dehors de …) et de la France. Entre l’Afrique et la France, la souffrance d’être de nulle part.