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Monsieur Claude RIBBE, Président

Je suis destinataire de votre lettre que je lis très attentivement. Je vous transmets mes félicitations pour vos nouvelles responsabilités au sein du Collectif DOM. J’ai eu l’opportunité de rencontrer à Toulouse l’ex président, M. Patrick Karam ainsi que M. F. Vulbert lors d’une conférence que nous (l’OMN : Organisation de la Mémoire des Noirs) avions organisée autour du thème de la discrimination et de l’interaction du Franc CFA en Afrique. Y ont participé entre autres, toutes les composantes de la Diaspora Noire sans distinction d’origine ou de pays.

Je salue votre prise de position pour faire taire l’émergence et la banalisation des propos racistes tels ceux énoncés par M. Pascal Sevran aujourd’hui. Les propos de ce monsieur me rappellent ceux de Charles TRENET, qui lors de son décès fut encensé de gratifications, c’est la même omission historique qui se perpétue de génération en génération, vous l’avez démontré avec la commémoration dédiée ad vitam à Napoléon et consorts.

A la lettre que vous avez transmise au Président de la République, Jacques CHIRAC, je vous conforte dans sa première partie. Par contre, quelle est cette posture à vouloir montrer toujours « pâte blanche » en dénigrant les autres ?

Pour aller au fond des choses, quand vous scindez vos revendications à celles des Africains, je pense que vous manquez de lucidité. Car sans que vous vous rendiez compte vous participez à ce front communautariste de lutte des Domiens contre les Africains. C’est irresponsable !!

J’avais déjà indexé M. KARAM sur ce type de comportement. Un Africain est tout aussi capable de défendre les intérêts d’un Domien et inversement. Que vous le vouliez ou non l’origine humaine est Africaine que l’on soit blanc ou Noir. Vous devriez plutôt adopter cet angle qui justifie notre universalité dans le sens noble du terme.

Je suis d’accord que certaines méthodes de lutte sont à proscrire mais les phases de conscience et de structuration mentale évoluent selon notre vécu. Pourquoi sans cesse reproche t-on aux Noirs d’emprunter certaines voies que les autres utilisent à volonté pour nous destituer ? Notre environnement façonne notre capacité à interagir sur les événements car nous n’avons pas les mêmes urgences, le même vécu, la connaissance des mêmes spoliations, des viols de notre personnalité et de notre droit d’exister.

Je pense que vous auriez mieux fait en réclamant au Président de la République, le droit à la transparence sur la situation en Afrique et la politique de la France en Afrique. Lui dicter qu’il est temps de dire à tous les Français et au Monde, la réalité historique de ce Continent et ses apports conséquemment importants jusqu’à nos jours. Quelle est cette volonté d’aliénation mentale et de perpétuation de fausses idéologies ? Pourquoi cette hypocrisie qui fait toujours des Noirs les éternels responsables des maux occidentaux quand on sait que l’Afrique est la mère nourricière, spirituellement et matériellement pour tous les peuples qui pêchent par omission. Pourquoi cette politique de « désimmigration » qui consiste à pourchasser ces envahisseurs tandis qu’on les spolie chez eux et sont mis totalement à l’écart de l’exploitation de leurs richesses et de leur propre développement autocentré ?

Pensez-vous qu’aux Antilles et autres DOM à l’exception peut-être de Saint-Pierre et Miquelon que nous sommes mieux lotis ? Je dis souvent que ces îles sont des « petits Afrique » tant les schémas du pouvoir sont identiques et empruntent les mêmes finalités à la seule différence qu’ils sont légalement arrimés à la France.

Par conséquent ne nous trompons pas de cible. Allez à l’essentiel car l’histoire retiendra vos propos et vos tergiversations. Nous n’avons plus de temps à perdre, notre efficacité dépend de notre capacité à donner du meilleur de nous même à l’instant T. Toussaint Louverture, Delgrès, Akompong, Boukman, Kwame Nkrumah, Diop, Biko, Mandela, Lumumba, Ignace, et j’en passe ont donné du leur.

M. Karam a commis certaines erreurs que je ne souhaiterais pas voir perpétuer au cours de votre mandat. Il est important de réinterroger votre projet afin de le réactualiser face aux événements historiques et les problématiques d’aujourd’hui. J’ai la nette impression que vous nourrissez un contentieux avec l’Afrique qui transparaît lors de vos attaques en règles contre le CRAN et la parti KEMITE et de vos prises de position sur votre blog. Il y va de notre capacité à être solidaires même si certaines idéologies sont contournées pour assouvir le besoin de pouvoir et d’occuper la place et d’être la référence. Le consensus s’obtient grâce aux échanges d’idées et de débats et non grâce à l’insulte.

Si vous contestez la notion de communauté, pourquoi l’existence du CollectifDOM ? Qu’est-ce qui explique donc sa naissance (prééminence) ?

Je vous invite par conséquent à rencontrer les responsables de ces organisations afin de faire la part des choses selon vos propres ressentis. Soyez des humains responsables. Vous ne devez aucunement être les antichambres de partis politiques nationaux qui selon le schéma habituel utilisent une certaine représentation revendiquée par vous (+de 40 000 sympathisants), qu’ils pourfendent d’ailleurs, et puis vous jettent aux oubliettes. Si vous acceptez de faire partie de ce monde de pouvoir, alors revêtez la tunique anti-plomb et sachez déjouer les discours fourbes.

Je vous rassure par ailleurs que ces deux organisations ont déjà subi les critiques qu’elles méritaient compte tenu de leurs prises de position visibles ou non visibles et leurs écarts de conduite. Nous ne devons plus jouer ce jeu de discordance pour répondre à la norme républicaine en faisant ainsi plaisir aux maîtres de la Case. Cette posture nous a toujours desservi, l’histoire de notre peuple, je pèse bien mes mots, en témoigne.

Mettons notre intelligence au service de nos objectifs et des finalités que nous voulons voir évoluer. Mettez votre aura au service du ralliement en construisant le pont qui jusque là nous fait défaut entre toutes les Diasporas africaines et l’Afrique, mère nourricière de tous les Hommes. Etre Africain n’est pas une question de peau, c’est une question de conscience, de respect et de lutte.

Imbibez-vous de la culture africaine et vous constaterez que les Africains n’ont jamais cultivé par ailleurs cette posture de différenciation par la peau qui aujourd’hui constitue une plaie à cause de l’aliénation mentale. Cette tendance vous la constaterez partout où les Noirs se trouvent. Raison de plus pour mieux analyser les tares engendrées par la Traite négrière occidentale en Afrique, dans la Caraïbe et dans les Amériques. Nous nous subordonnons à contenter perpétuellement les bourreaux de notre désarroi. Que faisons-nous par ailleurs des avancées conséquentes que nos aînés nous ont léguées ? Toutes les failles de nos trajectoires ont déjà été écrites par nos pairs avec une lucidité qui fait froid dans le dos.

Que réservons-nous à tant de sacrifices ? Vous aimez témoigner de votre solidarité à Haïti. Pensez-vous que Dessalines et Toussaint Louverture vous soutiendraient dans votre acharnement vain et moribond ? La portée d’Haïti n’est même pas appréciée à sa juste valeur par certains caribéens, du seul fait qu’ils soient français. Quelle gageure ? Où est passé notre sens de la dignité humaine même si nos lois sont érigées à l’Assemblée Nationale française. Ne peut-on pas s’opposer à ces chasses aux haïtien-nes perpétrées en Guadeloupe et en Martinique. Que faîtes-vous de votre plume à ces instants ?

En vous faisant partager mon point de vue, je ne m’inscris dans aucune polémique inutile. Je n’ai rien à défendre d’autre que l’Afrique.

Panafricainement,
Ashanti